Après la sieste, je rejoins la case
ronde, mais elle est vide. Il n'y a personne non plus dans le jardin.
Je retrouve mes amis à côté du petit
kiosque internet. J’aperçois quelques policiers qui sont assis pas
loin. Manju semble un peu perturbé. Mes amis me raconte alors, que
les policiers sont partout dans le village. Ils vérifient les
licences de tous les restaurants, les guesthouses et les boutiques.
Le problème est que la majorité d'entre eux sont illégaux et le
ton monte.
Des touristes nous demandent d'aller
avec eux, afin de soutenir ces propriétaires qui risquent tout
perdre. Les policiers sont venus avec des tractopelles et menacent
de tout détruire.
Il est environ 19h et nous nous
dirigeons alors vers le village. Tous les stores sont fermés.
Certaines boutiques sont complètement vides, comme si elles avaient
été déménagées en catastrophe.
Les touristes ne peuvent pas faire
grand chose, et même si certains essayent de discuter avec la
police, ça ne sert rien. Un petit groupe tente de s’asseoir au
milieu du chemin, mais ça n’empêche pas les bulldozers d'avancer.
Nous croisons des backpackers qui ont
été virés de leur guesthouse car la police a ordonné leur
fermeture immédiate. D'autres doivent se cacher et ne pourront
revenir dans leur chambre que plus tard dans la nuit !!!
Je m'inquiète alors pour « Manju's
guesthouse ». Est ce qu'on va se retrouver nous aussi à la
porte ? Et Manju, est-il en règle ?
Nous le retrouvons, et lui demandons
quelques explications. Son sourire a disparu et ses yeux sont emplis
de tristesse et de peur. Il nous raconte qu'il est installé ici
depuis déjà 25ans, et que sa guesthouse, c'est toute sa vie. Il est
en procès depuis quelques temps pour obtenir sa licence, que le
gouvernement refuse de lui donner.
Le problème c'est qu'après avoir
valider le projet de protection des ruines d'Hampi, l'Inde a fermé
tous les dossiers de demandes de licences, sans préavis, ni
indemnités.
Les Indiens qui avaient commencé leur
business et attendaient leur licence, se sont alors retrouvée en
situation « illégale ». Mais la machine était déjà en
route, ils ne voulaient pas tout abandonner, et ils espéraient
pouvoir trouver une solution, ou ils pensaient qu'il fallait juste
être patient.
Manju avait senti le coup venir. Il
mène son procès avec beaucoup de motivation et grâce à son
avocat, sa guesthouse est hors de danger... pour l'instant ! Il
était quand même à 2 doigts de tout perdre.
Il avait essayé de motiver d'autres
gérants de guesthouses pour attenter une action en justice à
plusieurs, mais ceux-là ne voulaient pas dépenser d'argent dans les
avocats et toutes les procédures. Ceux là se retrouvent aujourd’hui
sans rien. Comme ceux qui ne savaient même pas qu'il leur fallait
une licence.
Ces méthodes sont révoltantes.
Manju continues son discours en nous
expliquant qu'à long terme, Hampi sera vidée de sa vie locale. Les
touristes resteront dans des hôtels appartenant à L’État, à
quelques kilomètres d'ici. Ils viendront en bus et paieront l'entrée
dans le site historique. Cet argent sera utilisé pour la
restauration des ruines. Enfin … c'est ce qu'ils disent !
L'Unesco est sur le coup et devrait veiller à ce que ce soit le cas.
Il y aurait beaucoup à dire !
Ce soir les backpackers et les hippies
sont davantage silencieux. On réalise que nous allons perdre ce
petit paradis qui nous était si accessible. Place au tourisme
organisé, programmé, encadré ! Nous ne sommes apparemment
plus les bienvenus en Inde du sud.
Mais voilà, notre voyage ne s'arrête
pas là …
le lendemain, nous nous levons à 4h30,
enfourchons nos mobylettes et allons voir le lever du soleil à
« HANUMAN TEMPLE ». Nous sommes les premiers sur les
lieux. Un indien se réveille avec le bruit de nos moteurs, et nous
propose de suite un Chaï tea.
Nous grimpons les 500 marches, et nous
voilà au sommet de la montagne, où se trouve le petit temple.
Les moines sont déjà en activité.
Ils chantent la prière et font des offrandes. La pleine lune se
couche d'un côté et le soleil se lève de l'autre. Au fur et à
mesure que le soleil éclaire la plaine, nous découvrons le paysage
qui nous entoure. C'est magnifique.
De nombreux singes arrivent, ainsi que
des écureuils, des chiens, et même des petites souris.
Les moines proposent des chaï aux
touristes, comme un don de générosité.
Les singes, s'approchent de nous à la
recherche d'une banane ou d'un biscuit. Les plus impatients ou les
plus gourmands vont carrément ouvrir les sacs à dos et fouillent à
l'intérieur. Les mâles dominants ont un comportement plus agressif
et vraiment intimidant. Face à eux, on recule, on s'écrase. Une
morsure de singe est très douloureuse et surtout peut être porteuse
de maladie, telle la rage par exemple. Mieux vaut donc éviter le
conflit !
J'essaye de méditer face au soleil,
mais le bruit des klaxons dans la plaine et les singes trop curieux
m'en empêchent.
Les singes aussi regardent le lever du soleil |
Nous redescendons et repartons vers la
guesthouse. Arrivés au village, nous reprenons conscience de ce
qu'il s'est passé la veille. Les paillotes de bambous et de palmiers
qui longeaient le chemin sont toutes détruites. Elles gisent sur le
sol. Les tractopelles s'attaquent maintenant au constructions
solides. Tout va très vite.
Des touristes nous font part de tristes événements qui se sont
déroulées dans la matinée. Comme cet homme qui a tenté de
d'immoler par le feu avec de l'essence. La police s'est jeté sur lui
pour l’empêcher d'allumer son allumette. La police détruit des
bungalows sans vérifier s'il y a encore des personnes à
l'intérieur. Une famille de touristes avec leur 3 enfants a bien
faillit en faire les frais.
Dans le
journal, un article raconte que la police fait des contrôles à
Hampi, car il y a beaucoup de problèmes avec des Israéliens qui
ramènent de la drogue !!!!!! C'est vraiment grotesque, la
population est manipulée. Tant de mensonges nous déçoit beaucoup
de L'inde. Qu'est-il advenu du pays de Gandhi ?
Nous passons en mobylettes au milieu de ce chantier de lamentation,
impuissants. Que pouvons nous faire face à une telle politique et
face à des policiers pantins sans cervelle ?
Nous ne pouvons pas rester là, c'est
trop dangereux et les policiers nous demandent de circuler.
Nous traversons la rivière et voyons
l'éléphante du temple, Madame Si Lakshmi, qui prend son bain dans
la rivière. Elle fait la fofolle dans l'eau. Elle est adorable et ne
semble pas atteinte par la triste ambiance qui règne ce matin à
Hampi. Elle nous redonne de l'énergie. On part à la recherche d'un
petit-déjeuner car notre ami qui était déjà venu là il y a 2
ans, nous assure qu'il y a de bons petits restaurants. Mais voilà,
tout ce qu'il a connu n'existe plus. Ce quartier a déjà été
détruit avant notre arrivée. Il ne reste que des débris de murs.
Sa déception est grande, nous décidons donc de rentrer.
Nous
recroisons l'éléphante. C'est l'heure de la toilette. Elle se fait
brosser par plusieurs Indiens et semble adorer cela. Elle est
complètement détendue et se laisse faire avec beaucoup de plaisir.
Dans l’après-midi, j'ai droit à un
cours de mobylette, car je ne sais pas conduire et pourtant, ce
serait bien utile en Inde. J'ai une bonne prof, merci Syl ;-)
Nous restons à la guesthouse le reste
de la journée. Manju semble aller beaucoup mieux aujourd’hui.
Apparemment, il a reçu une bonne nouvelle de son avocat. On est tous
soulagés et très content pour lui. L'ambiance redevient plus
positive et les parties de cartes et de dés reprennent.
Le lendemain, nous reprenons les
mobylettes. Je réalise que je sais désormais conduire une
mobylette, mais PAS avec quelqu'un à l'arrière !!! je n'ai pas
encore fini mon apprentissage.
Nous passons parle le petit village
d'Anegundi, puis continuons sur des sentiers tape-cul, dans la
campagne environnante. Cette balade est très belle. On aperçoit des
grands singes dans les rizières, des oiseaux qui pêchent dans le
canal, de beaux papillons, de beaux arbres, des enfants qui nous
crient « hello, what's your name ? » et des locaux
qui nous saluent avec de grands sourires.
On s'arrêtent dans un tout petit
village où des enfants viennent à notre rencontre. Nous avions
prévu le coup cette fois-ci, et avions acheté des bonbons en route.
Les enfants sont fous de joie. Les adultes sont aussi contents et
viennent discuter avec nous, notamment un Baba (religieux hindou) au
visage peint de lignes jaunes et de rouges. Il fume son shilom en
notre compagnie et baragouine quelques mots d'anglais avec nous.
Le soleil se couche et nous rentrons à
la guesthouse. Nous distribuons les quelques bonbons qu'il nous reste
à des enfants sur le chemin. Au lieu de leur donner un bonbon à
chacun, on leur donne la poche. On réalise notre erreur quand ils
commencent à se taper dessus, au lieu de partager. Oups !
Bon, on le saura pour la prochaine
fois.
C'est délicat d'échanger avec des
enfants. Ils ont une grande énergie qu'il est difficile de
canaliser. Ils sont vite très excités et oublient vite les bonnes
manières.
Nous faisons de très bonnes rencontres
chez Manju's guesthouse. Il y a beaucoup d’Israéliens, d'espagnols
et de français.es Les discussions sont profondes et souvent portés
sur la spiritualité. C'est intéressant et enrichissant. En France,
on nous prendrais pour des « perchés » ou des
« drogués ». Mais ici, on peut refaire le monde, ou
parler d'utopie, sans que personne ne soit choqué !
Le lendemain, nous retournons, au lac
du barrage pour nous baigner. Je prends doucement confiance sur ma
mobylette.
On est un peu déçues car l'eau est
dégueulasse. On ne comprend pas trop, la dernière fois c'était
propre, mais aujourd’hui ça donne pas trop envie d'y nager. Du
coup, on ne reste pas longtemps.
A la guesthouse, beaucoup de voyageurs
s'en vont aujourd’hui et demain, dont nos amis. C'était super
sympa ces 3 semaines passées ensemble. Que de bons souvenirs avec
ces supers compagnons de voyage. On se retrouvera bientôt en France,
dans notre réalité quotidienne, que nous oublions lorsque nous
sommes en voyage. La guesthouse va sûrement paraître un peu vide
sans nos « travel mates ».
Je suis triste pour toi en lisant ton blog ce soir.
RépondreSupprimerMais tous ces lamentables évènements ne me surprennent pas. Le tourisme et tout ce que cela draine de mauvais est une manne pour des dirigeants sans scrupules. Quand à l'Unesco, pour l'avoir vu à l'oeuvre dans pas mal d'endroits, il y aurait beaucoup à dire et pas en bien !Heureusement que ton hôte Manju se bat, cela aidera sûrement les autres.
Mais tu as fait de très belles photos. Si Marine lit ton blog, elle qui aime tant les singes....! Les enfants sont superbes et pour les bonbons, je connais les bagarres !(rires)
Bien j'espère que la suite de ton voyage va vite effacer ce petit goût amer .
Bonne continuation, et gros bisous.