mercredi 16 novembre 2011

6jours à la maloka

Nous sommes partis dans un bateau publique, très bien rentabilisé au niveau du remplissage. Nous avons fait le trajet d'1h30 sur une chaise en plastique, coincée à l'arrière du bateau, car tous les sièges étaient occupés. C'est le principe de tous les transports publics au Pérou ; remplissage maximum !
Avec nous, Persey, le péruvien que connaît notre ami suisse, nous accompagne. Cet homme est insupportable. Lunettes noires, portable collé à l'oreille 24/24, démarche de cowboy. Il parle beaucoup d'argent, ça sent l'arnaque à plein nez. Son attitude ne me rassure pas. Enfin, on verra bien.

Arrivés à destination, un peque-peque nous attend. A bord, Pedro nous accueille. C'est chez lui que nous allons. Son sourire m'apaise et me rassure. Il semble adorable. Le peque-peque est vraiment rudimentaire. Nous devons régulièrement vider l'eau qui s'infiltre à travers les planches. Des dauphins roses nous accompagnent. Nous naviguons pendant 1h à bord de cette barque, sur une grande rivière aux courants turbulents, en slalomant entre les énormes troncs d'arbre flottants, qui proviennent des berges qui s'écroulent presque à vue d'œil. Ici, chaque année, 3 mètres de berges disparaissent, la rivière s'agrandit.

Enfin nous arrivons. Nous marchons 2 minutes et arrivons à la fameuse maloka. Je suis très agréablement surprise, cet endroit semble magique. La maloka est superbe. Pedro nous explique qu'il la construit avec ses 2 frères, et c'est très bien réussi. Pedro ne parle qu'espagnol, mais il fait des efforts pour que nous puissions le comprendre, il est très patient.

La maloka est en fait une grande pièce sur pilotis (pour les grandes crues), dont les murs sont des moustiquaires bleues. Le toit est fait de panneaux de feuilles de palmiers tressées et le tout est tenu par une multitude de fins rondins de bois. Il est difficile de comprendre l'organisation de cette structure.
Pedro nous installe notre chambre ... 2 matelas sous une moustiquaire ! c'est parfait.

La cuisine est accolée à la maloka. Là, nous faisons la connaissance de Rosita, la femme de Pedro. Son sourire est aussi beau que celui de Pedro. Ces gens sont d'un calme et d'une sérénité hors du commun. L'endroit est tout simplement parfait pour se détendre et pour se vider l'esprit.



Pédro nous montre la salle de bain ! A 50 mètres dans la forêt, un petit cours d'eau caché, où une toute petite plate forme de bois a été aménagé. Deux seaux,une branche en guise de porte manteau, et un savon pour laver le linge. Les oiseaux chantent, des petits poissons guettent les moustiques, de belles libellules et de beaux papillons volent autour de nous. j'adore cette salle de bain.



Les toilettes sont dans une cahute et même s'il s'agit d'un trou dans le sol, c'est très propre et ça ne sent pas mauvais.


Un fois la nuit tombée, les lucioles arrivent à s'infiltrer dans la maloka et malheureusement les moustiques aussi. Dehors, le bourdonnement des insectes résonne fort. On entend aussi des animaux qui se promènent, mais dans le noir, on ne peux pas savoir de quel animal il s'agit. De toute façon , il n'y a pas de jaguar ici alors on ne craint rien. Dans notre moustiquaire, c'est comme si nous étions dehors, c'est très agréable.

Vers 21h, le chaman du village arrive à la maloka. Il va s'occuper de nous pendant ces 6 jours. C'est un petit bonhomme qui se cache derrière une casquette. Il semble jeune, il n'a pas 40 ans. Il est difficile à comprendre car il n'articule pas un brin. Avec mon petit niveau d'espagnol, c'est pas facile, mais Pedro est là pour m'aider. Le chaman s'appelle Lorenzo, il a des traits souriants mais il ne regarde personne dans les yeux.

Nous n'avons pas mangé depuis ce matin car le chaman voulait qu'on fasse une diète avant de le rencontrer. Nous n'avons donc rien dans l'estomac.
Ce soir, c'est notre première séance à l'ayahuasca. Lorenzo nous explique que c'est pour purger notre corps et le purifier. C'est très important d'être propre de l'intérieur. Nous lui expliquons nos différents problèmes de santé et il nous assure qu'il trouvera de bons remèdes, mais la purge par l'ayahuasca est inévitable.

L’ayahuasca ou yagé est un breuvage à base de lianes consommé traditionnellement par les chamanes des tribus indiennes d'Amazonie, utilisé pour sa capacité curative associée aux croyances et pratiques locales. Cette boisson semble être consommée depuis 4 000 à 5 000 ans.
Le terme Ayahuasca vient du Quechua et est traduit ordinairement par "liane des esprits".

La boisson est rougeâtre, foncée, et l'odeur est répugnante. Le chaman fume du tabac pur et renferme dans la bouteille d'ayahuasca ses rejets de fumée.

Ensuite nous devons boire le mélange. C'EST UNE HORREUR, je n'ai jamais rien goûté d'aussi dégoûtant, c'est affreux. Pourtant je ne suis pas difficile, mais alors là, c'est trop pour moi. Nous sommes assis par terre, et avons à côté de nous des récipients pour pouvoir vomir ! et oui il s'agit d'une purge ! le chaman éteint les bougies. Nous attendons 1h, puis les effets de la boisson se font ressentir. Le chaman siffle et chante des icaros en secouant un bouquet de feuilles séchées.

Bon, j'ai été très malade. Je me suis vidée c'était le but ! j'ai eu des visions qui me rendaient inconfortable et je sentais mon dos et ma sciatique qui me faisait très mal. Il m'a fallu 24h pour me remettre totalement de cette séance. J'avais l'impression d'être bourrée tout ce temps !! De plus, je suis rentrée en hypoglycémie. Je n'étais pas capable de marcher sans être menacée d'étourdissements.
J'ai compris que mon corps était trop faible, le chaman a également compris !
Mon dos et ma sciatique m'ont fait souffrir le martyre pendant 2 jours après ça. Un gros pic de douleur, insupportable.

Après cela, ils m'ont gavé comme une oie


et j'ai beaucoup dormi. Lorenzo m'a préparé un remède à base de produits de la jungle amazonienne pour soigner mon asthme et m'apporter du sucre en même temps. Cette fois la potion était bonne, citronnée et sucrée, mais très très acide.

Pédro nous a fait visiter le village voisin de SANTA ANNA, et la maison du chaman et de sa famille. Ce village est adorable. Le gouvernement a fait beaucoup d'efforts sur l'éducation dans les villages de l'amazonie. Ainsi, il y a ici une belle école. Le village est propre et tous les habitants sont souriants et accueillants. Ils respirent le bonheur. Lorsqu'on leur demande s'ils sont bien ici, ils nous répondent que pour rien au monde ils vivraient ailleurs, ils ont tout ce qu'ils veulent.





La piscine et laverie du village


Le chaman était en train de préparer notre prochaine boisson d'ayahuasca. Il a pris le temps de nous emmener dans la foret pour nous montrer cette liane ainsi que d'autres plantes et arbres médicinaux. Il semble vraiment bien connaître son travail, ses connaissances sont impressionnantes. Il connaît chaque nom de plante et sait exactement où trouver ce qu'il veut.
En fait on parle d'ayahuasca, mais la Chacruna et le tabac pur sont les 2 autres ingrédients indispensables à cette boisson. C'est l'union de ces 3 plantes qui soigne.
De l'ayahuasca, on utilise que l'écorce, que l'on fait bouillir 3 fois jusqu'à réduction quasi complète. Il faut donc une journée entière pour faire cette boisson dégueulasse.


Autant dire qu'après ma première expérience, je ne voulais pas en reprendre, c'est vraiment beaucoup trop fort. Mais le chaman m'explique que mon corps n'était pas préparé, trop faible, et qu'il était mieux maintenant. Une moitié de dose suffirait pour moi, car une fois que le corps est purgé, c'est l'esprit qui a besoin d'être nettoyé.
Bon allez c'est parti, j'accepte !

Le surlendemain, deuxième séance. Rien à voir avec la première, sauf que le goût était toujours aussi dégueu ! Je n'ai pas été malade du tout, je me suis sentie plutôt bien au contraire. Je n'avais pas mal au dos et j'ai eu de très belles visions agréables.

Pédro nous a emmené visiter la Chakra !!! Pédro est toujours fière de nous parler de son village et de son mode de vie. Toujours avec le sourire, il joue le rôle du guide à la perfection. Lui et sa femme sont tellement aux petits soins pour nous. Ils sont très serviables, et très attentifs à nos besoins. Il le sont tellement que ça devient presque gênant.
Donc, nous allons à la chakra. Dans une zone éloignée du village, un petit terrain à été déforesté par les villageois. Ça peut paraître mal, mais il ne s'agit pas d'une déforestation massive, seulement d'un petit terrain. Le but n'est pas de construire des lotissements, mais de planter du Yucca, du manioc et de l'ananas pour le village. Ainsi, tous les hommes et femmes travaillent ici solidairement, au pic du soleil et dans une chaleur étouffante. Le sol à été incendié pour une meilleure fertilisation. Tout le bois n'est pas perdu. Les habitants s'en partagent une partie, ce qui leur permettra de faire la cuisine. Quand au reste, ils en feront du charbon.
Nous mettons la main à la pâte, mais juste pour les photos !!! et oui les touristes ne sont pas habitués à travailler dans de telles conditions. Pédro le sait, nous le savons aussi, et les habitants également. Mais ils sont contents de notre curiosité et de notre admiration devant tant de vaillance. Ils rigolent de nous, car nous semblons fatigués rien que par la chaleur.
Pour nous désaltérer, Pédro nous offre du jus d'ananas pur et du lait de yucca. C'est délicieux. Les habitants en consomment beaucoup, il paraît que c'est très bon pour la santé. Je veux bien les croire, ils paraissent tous en pleine forme. Ils font plus jeunes que leur âge. Malgré qu'ils travaillent dur toute la journée, ils n'ont pas l'air fatigué.





Pour m'occuper à la maloka, je travaille mon espagnol. Mon esprit est tellement détendu ici, que j'enregistre très vite les leçons de mon livre, je me surprends même.


L'après midi, je fais la sieste, car la chaleur m'épuise. Je passe beaucoup de temps à côté du cours d'eau, afin de me rafraîchir. Ici, à chaque bain que je prend, je suis capable de ressentir toutes les bactéries et la saleté qui se détachent de mon corps. Je crois que je n'ai jamais tant apprécié le fait de me laver !
De temps en temps, des singes s'approchent de la maloka. Ils font les fous dans les arbres et sont très drôles. Il y a beaucoup de papillons et d'oiseaux. Nous voyons également des gros lézards peu farouches qui se laissent approcher facilement.


Un soir, le chaman est venu à la maloka pour soigner notre dos. Il avait préparé des cataplasmes à base de sève de différents arbres de la jungle. Nous devons gardé ce cataplasme pendant 8 jours.
Il doit y avoir un anti-inflammatoire dans ce cataplasme, car j'ai réellement sentie un soulagement. Chaque jour j'avais un peu moins mal. Je retrouve l'espoir de guérir et je sens mon corps se renforcer de jour en jour. Le chaman semble très confiant et m'assure que je me sentirais mieux.

L'avant dernier jour, une japonaise arrive dans la maloka avec un guide. Elle est là pour 2 jours, pour voir quelques animaux. DU coup, tous les 2 nous proposent de les accompagner pour une balade dans la jungle, en quête d'apercevoir des paresseux. Ce fût une belle réussite, puisqu'à seulement 100 mètres de la maloka, il y en avait un dans un arbre. Le paresseux mange des feuilles qui sont difficiles à digérer. Du coup, cette digestion est très fatigante pour lui et c'est pour ça qu'il semble toujours si défoncé !!! C'est le même principe pour le koala.

Je me suis sentie très mal à l'aise lorsque le guide à commencer à couper l'arbre avec sa machette, afin qu'on puisse voir le paresseux de plus prés. Je lui ai demandé d'arrêter, j'étais outrée ! Mais il se foutait de ce que je lui disait, et l'arbre est tombé. Le paresseux est resté accroché à sa branche, heureusement il n'a pas été blessé, mais je pouvais sentir son stress.
Alors le guide et Pédro l'ont arraché de sa branche pour qu'on puisse le porter dans nos bras. Ce délire, pauvre bête, j'étais tellement honteuse d'assister à ça. Abattre un arbre pour que les touristes puissent prendre un animal en photo ! Je leur ai répété que ce n'était pas bien de faire ça, qu'il ne fallait pas perturber les animaux de cette façon, mais ils ne semblaient pas comprendre. Ceci dit le paresseux n'avait pas l'air paniqué du tout, normal, il est défoncé !!!
Après quelques photos rapides, on l'a remis dans un arbre, où il est monté se cacher. Cet animal est si mignon, je suis désolée pour lui. J'en ai fait des cauchemars.




Pédro a bien vu que cet épisode m'avait rendu mal à l'aise et il me demanda si j'avais peur des animaux. Je lui répondis que non pas du tout, j'adorais les animaux, et je tentais de lui expliquer que les hommes ne sont pas censés toucher les animaux sauvages, pour éviter de leur transmettre des bactéries humaines contre lesquelles ils n'ont pas de défense, et aussi pour leur éviter un stress inutile qui pourrait changer leur comportement. (J'ai appris tout ça dans les parcs nationaux d'Australie ). Il écouta attentivement et sembla comprendre ce que je voulais dire. J'espère qu'il en tirera une bonne leçon.
Il y encore du travail à faire pour sensibiliser les péruviens au respect de leur environnement !

Dans la même journée, nous fumes très surpris de voir qu'un anaconda était posé juste à côté de la maloka. Pourtant Pédro nous avait dit qu'il n'y avait pas d'animaux dangereux autour de la maloka et nous avions l'habitude de nous balader pieds nus de jour comme de nuit, sans prendre de précautions. Je pense que maintenant, on fera un peu plus attention !
Cet anaconda est un jeune et semble s'être égaré. Nous devons le ramener à la rivière où il sera capable de trouver sa nourriture. Le guide et Pédro tente de l'attraper mais ce n'est pas facile car l'anaconda fait 2 mètres de long, il a peur et se met en position d'attaque. Il essaye de mordre le guide à plusieurs reprises. Il est très rapide, et fait des bruits de chat en colère. Il semble avoir une très bonne vue, aucun de nos mouvements ne lui échappe. C'est impressionnant. Heureusement, c'est un jeune, car à l'âge adulte, l'anaconda peut atteindre 6 mètres de long. C'est le plus grand prédateur aquatique de l'Amazonie, au sommet de la chaîne alimentaire. Il n'a pas de venin, mais sa morsure est très douloureuse, et une fois qu'il vous tient, il peut s'entourer autour de vous et vous broyer les os en un rien de temps.
Tant bien que mal, ils arrivent à l'attraper. Nous en profitons pour faire quelques photos et les hommes partent de suite le ramener dans son environnement. Il faut 3 personnes pour le porter. J'aurais pu le toucher où même le porter, mais je refuse, toujours à cause de ma conviction qu'il ne faut pas toucher les animaux sauvage.






Avant la dernière séance d'ayahuasca, le chaman doit procéder à un lavement de notre corps. Il nous asperge d'un liquide provenant de feuilles et d'écorces. En même temps, il chante des Icaros, tourne autour de moi et souffle sa fumée de tabac pur sur mes bras, ma nuque, mon crâne. Je dois rester détendue et le laisser faire. C'est drôle mais en sortant, j'avais l'impression qu'on venait de me faire un massage d'une heure. Si j'étais un chat, je ronronnerais !

C'est notre dernière soirée à la maloka. Le chaman arrive à la tombée de la nuit pour notre troisième et dernière cérémonie à l'ayahuasca. C'est l'ultime étape, celle qui nous permettra de guérir de nos blessures intérieures, de nous mettre définitivement à l'écoute de notre corps.
C'est bien je n'ai pas été malade ! Les effets ont étaient très bref et la séance fut courte. Je n'ai pas vu défiler ma vie comme on me l'avait dit. En fait, je n'ai pas vu grand chose ! Je sais pas trop si cette dernière séance a bien marché.

En tout cas, cette semaine m'a permis de renforcer mon corps et j'ai beaucoup moins mal au dos maintenant.

Voilà, c'est l'heure de partir. Adieu la maloka, adieu la jungle. Les adieux sont émouvants, ces gens ont été tellement gentils avec nous.
A bord du peque-peque nous sommes déjà un peu nostalgiques. Mais nous sommes aussi contents de poursuivre notre chemin, plein de belles choses et de belles rencontres nous attendent.
Arrivés au port de transit, nous devons dire au revoir à Pédro qui retourne à son village dans son peque-peque. Son grand sourire est encore plus sincère qu'à notre arrivée. Merci Pédro pour ta gentillesse et ta générosité.



Retour à Iquitos ; le bruit, l'agitation, l'odeur de l'essence …
Nous passons voir notre ami Jenko et Mario de l'agence MUYUNA, pour leur raconter notre séjour.
Puis nous devons nous dire au revoir car nous avons un avion à prendre.
Encore une fois, les adieux sont émouvants. Ces gens sont tellement gentils. On se souviendra d'eux toute notre vie.

L'avion décolle, je prends conscience de l'immensité de l'Amazonie. Des arbres, du vert à l'infini. L'amazonie n'a pas été explorée dans sa totalité. Il y a encore des tribus inconnues qui doivent se demander ce que sont les avions qui passent par dessus leur tête, des animaux non répertoriés, des arbres qui n'ont jamais vu l'homme …
J'ai exactement cette même sensation que lorsque je survolais l'Himalaya. Je me rends compte à quel point nous sommes petits, nous connaissons si peu notre planète. Je reste scotchée à mon hublot, je suis émerveillée. Je ressens vraiment de l'amour pour ces paysages incroyables.
La terre a tellement de secrets et ne demande qu'à être aimé.

Je laisse aller mon imagination qui délire sur ce qu'il pourrait bien se passer au moment même, là tout en bas !

Nous arrivons à Tarapoto, où nous passons la nuit, puis le lendemain nous prenons un bus pour la côté ouest du Pérou, 22h de route (vivement la télé-transportation !) et nous voilà arrivé à MANCORA.

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