dimanche 9 mars 2014

l'île des pins, Nouméa. Suite et fin


Je passe la soirée avec Loulou et Hélène. 3 jeunes touristes français sont arrivés aujourd'hui. Ils ont commandé des assiettes de poissons et de langoustes. Loulou est allé pécher dans la journée et Hélène a cuisiné le poisson, un gratin de banane, une salade de papaye, et des légumes locaux.
Les assiettes sont superbes et pourraient facilement être sur la carte d'un grand restaurant. Elle va leur servir sur des tables un peu plus loin.
IL y a du rab et Hélène me propose de m'offrir gratuitement une assiette et de rester manger avec eux deux. Je me sens privilégiée, et je suis vraiment flattée par leur invitation. De plus, je me régale, c'est un délice. Il n'y a pas de doute, les kanaks savent cuisiner !


Encore une soirée très sympa. Je retourne à ma tente, tous les crabes se faufilent dans leur trou à mon approche. Je prends soin de bien ranger mon sac et de ne pas laisser trainer d nourriture, car la nuit dernière, je me suis fait embetée par des souris affamés. Elles ont essayé de rentrer dans ma tente, en grignotant la toile. 

Le lendemain matin, je me lève en même temps que le soleil et vais louer un vélo dans l’hôtel voisin, pour faire le tour de l'île. D’après l'échelle de la carte, ça me paraît facile.
Je commence à pédaler en direction du nord et m'arrête aux ruines d'un ancien bagne. L'occasion d'en apprendre davantage sur l'histoire de l'île des Pins.  



L'île des Pins fut d'abord habitée par « les Lapita » vers 2000 av JC. (un peuple passionnant et très avancé dans beaucoup de domaines. Rien que le nom de « lapita », fait penser à un beau film fantastique). Ensuite, arrivèrent les Mélanésiens, puis James Cook, qui est le premier européen à découvrir l'île en 1774.
En 1800, des santaliers débarquent sur l'île, puis des missionnaires protestants, puis des missionnaires catholiques. Ces derniers remportent un certain succès.
C'est en 1872 que la France transforme l'endroit en colonie pénitentiaire. 3000 communards de Paris (http://fr.wikipedia.org/wiki/Communard) et des centaines d'Arabes, qui sont en fait des berbères algériens condamnés après la révolte kabyle de mars 1871, sont envoyés sur l'île. La population locale est déplacée à l'Est pour laisser place à ces forçats. J'ai comme l'impression que c'est la même histoire dans toutes les colonies; des peuples originaires mystérieux, puis des missionnaires de l'Occident, puis des forçats.
Aux forçats, s'ajoutent 750 kanaks en provenance de la grande terre (la principale île de la Nouvelle Calédonie) après la révolte kanak de 1878.

 La révolte kanak est une autre page importante de l'histoire. En effet, entre 1860 et 1870, un programme est financé grâce à la découverte de nickel, et des colons français arrivent en masse en Nouvelle Calédonie. Bien sur, ces derniers empiètent sur les terres tribales sans autorisation, et les tensions éclatent entre colons et kanaks. Comme les colons font ce qu'ils veulent, le gouverneur Guillain donne le droit de vendre les terres mélanésiennes aux français. Les champs de taro et d'igname, ainsi que les canaux d'irrigation des kanaks sont détruits et remplacés par des mines et de parcelles destinés à l’élevage et à la construction de prisons. Les kanaks se révoltent et sont écrasés par les militaires français. 1200 kanaks trouvent la mort et 800 autres sont exilés sur l'île des Pins, Belep et Tahiti. 200 français trouvent également la mort. Aujourd’hui encore, la France exploitent le nickel en Nouvelle Calédonie et finance la recherche de nouveaux sites d'exploitation. Alors que les kanaks semblent réclamer des financement pour un tourisme durable et l'aide à l'emploi, La France semble toujours être uniquement préoccupée par les ressources de nickel.
 
Mais revenons en à mon tour de l'île à pédale ! J'ai garé mon vélo contre les ruines du bagne et me balade dans les grandes herbes qui les entourent. Le site n'est pas entretenu et la végétation semble vouloir cacher ces tristes vestiges. Je suis toute seule et ne me sens pas complètement à l'aise. Je pense à la tristesse, la haine et les regrets, prisonniers de ces murs pendant des années. Il semblerait que la pierre ait gardé tout cela en mémoire. 



Je ne reste pas longtemps et reprends mon vélo jusqu’aux ruines d'un ancien couvent, vestige des missionnaires catholiques, puis jusqu'au cimetière des déportés. Sur les 3000 communards déportés après la révolte parisienne de 1871, 240 périrent sur place et la plupart sont enterrés ici. Il n'y a pas de pierres tombales car les prisonniers étaient hostiles à tout symboles religieux. Dans de tels circonstances, il doit être difficile d'avoir la foi en quoi que ce soit. Alors que ces gens se trouvaient sur une île magnifique, ils n'ont vu que des murs, quel dommage.
Les forçats qui se trouvaient ici, n'étaient pas des tueurs, mais des opposants au régime, ou des simples personnes qui luttaient pour des causes, qui leur semblaient justes. Ils furent condamnés à l'exil par le pays des droits de l'homme. Les paradoxes de l'histoire !

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Après cette plongée dans l'histoire, je pédale vers le nord de l'île, en quête de nature. Je m'arrête d'abord à la Grotte de la Troisième, perdue au milieu d'une belle forêt, qui prend l'allure d'une petite jungle. Ma frontale n'est pas assez puissante pour que je puisse pénétrer à l'intérieur, mais l'entrée est très jolie. On dirait une grotte encore inexplorée. L'intérieur est remplie d'eau douce et fait office de site de plongée. Mais la plupart du temps il n'y a personne, et les oiseaux et les lézards s'en portent pas plus mal.




Je rejoins à nouveau la route, et pédale jusqu'à la pointe nord, qui donne sur la baie de Gadji et la Baie des Crabes. Il y a seulement un tout petit hameau très tranquille, un ranch et quelques pêcheurs à cet endroit. On ne peut pas se baigner car il n'y a pas de profondeur. Le sol est une sorte de boue argileuse, découverte à marrée basse, où nichent une quantité incroyable de crabes. A marée haute, la plage reprend sa couleur turquoise et ses airs de site paradisiaque, parsemée de massifs rocailleux, anciens récifs coralliens.







Il fait très chaud ici et l'ombre se fait rare. Je partage mon pique nique avec 2 mouettes et longent la plage avec mon appareil photo. Alors que je suis arrêtée, occupée à mitrailler les racines des arbres, je sens que ça grouille autour de moi. Je baisse les yeux et réalise qu'une multitude de crabe à grosse pince sont sortis de leur trou ! Mon immobilité leur a fait penser que c'était sans danger. Toujours sans bouger, je les observe à leurs occupations quotidiennes ; Combats de pince pour une femelle, construction d'un trou, surveillance des petits par leurs parents … Ils sont rigolos. Je fais à peine un pas, que tout ce beau monde disparaît instantanément sous le sol.  




Je reprends le vélo. Heureusement qu'une légère brise me rafraîchit, car il n'y a pas d'ombre sur la route. Je transpire à grosses gouttes et je prends conscience de chaque muscle de mes cuisses. Il n' y a rien de très difficile, mais je n'ai pas fait d'exercice depuis longtemps. 

Je m'arrête à la Grotte de la Reine Hortense, quasiment au milieu de l'île. A l'entrée du chemin, une kanak m’accueille et semble surprise de me voir arriver à vélo. Elle est bavarde et rigole tout le temps.
Il faut marcher environ 200 mètres pour atteindre la grotte, en traversant une superbe forêt luxuriante, composée de bananiers, papayers, d'énormes fougères arborescentes et d' autres arbres tropicaux. L'entrée de la grotte est majestueuse. Il y a une petite ouverture dans le plafond, par lequel les racines d'un banian descendent jusque dans la grotte.









Je me pose plutôt à l'extérieur, avec la forêt dans mon dos et la grande entrée de la grotte en face de moi. Un groupe arrive, ce sont les croisiéristes. Subitement l'endroit perd toute sa magie et au lieu d'admirer le paysage qui m'entoure, j'observe ces gens qui me paraissent venir d'un autre monde. Le spectacle est plutôt rigolo. Tous s'excusent de venir troubler mon moment de solitude. C'est gentil de leur part. Le chauffeur du bus est un kanak. Il vient à côté de moi et entame une conversation. Il me dit qu'il est fatigué car il ne parle pas anglais et que c'est difficile pour lui de converser avec les croisiéristes. Il me demande si c'est bien moi qui suis venue à vélo et me félicite pour cette prouesse. Je ne vois pas où est l'exploit, mais ça me fait rigoler. Je comprends que les kanaks de l'île ne sont pas des grands sportifs.
Le groupe n'a que 10 minutes pour profiter de la grotte. Tous me saluent de loin et s'en vont. La grotte retrouve sa magie.








Je retourne à mon vélo et la forêt me paraît encore plus belle sur le chemin du retour. Je passe beaucoup de temps à prendre des photos.  Un peu plus haut sur la colline, j'ai une belle vue plongeante sur l'immensité de cette belle végétation. 










Je rediscute vite fait avec la dame de l'entrée et repars. Je redescends vers le Sud Est, jusqu'à Vao. C'est la principale agglomération de l'île. On y trouve de beaux monuments coloniaux et des maisons typiques.
  













Vao est aussi connue pour ses sculpteurs de totems traditionnels. A la baie de saint Maurice, les totems se marient aux monuments chrétiens, sur fond de mer bleue turquoise. Le site commémore l'arrivée des premiers missionnaires. L'endroit est très photogénique.





Il y a beaucoup de kanaks à cet endroit et des jeunes adolescentes viennent me poser des questions sur ce que je fais dans la vie. Jusqu'à maintenant, j'ai été beaucoup accosté par des adultes, mais c'est la première fois que je discute avec des jeunes. Elles parlent comme des jeunes de banlieues, en mode racaille, mais elles restent très sympathiques, souriantes et agréables. Les mamas kanaks sont assises à l'ombre des totems, alors que les enfants s'amusent dans l'eau. Je suis la seule blanche à cet endroit et ai peur de déranger, mais en fait pas du tout. Les gens me sourient et me saluent.






J'ai bien mal aux cuisses, j'ai eu bien chaud et maintenant, je ne pense qu'à la bonne douche froide qui m'attend. Je rentre à Kuto, rend le vélo, et retourne à mon camping. Sur le chemin du retour, je prends le temps d'aprécier les arbres et les fleurs qui bordent la route. Il me reste un peu de batterie dans mon appareil photo, alors ...








Les courbatures arrivent de suite après la douche, et sont assez violentes. Je n'arrive pas à dormir tellement qu'elles me font mal. Je n'ai pas bu beaucoup d'eau pendant la journée, malgré la transpiration et l'effort, et maintenant mon corps me le fait payer cher. Je m'en rappellLe lendemain, je prends mon petit déjeuner et Loulou me ramène à l'aéroport. Je le remercie pour sa grande gentillesse et lui promets de lui faire une bonne publicité.
L'avion décolle et me voilà de retour sur la Grande Terre. Mes courbatures me font encore mal et je passe l’après-midi à dormir et à discuter avec les gens de l'auberge de jeunesse de Nouméa. C'est qu'à force d'y revenir, je commence à y connaître du monde, et je suis toujours bien accueillie. Je ne fais rien de mes 2 derniers jours en Nouvelle Calédonie car il fait un temps pourri. Il y a un avis de tempête. Un cyclone n'est pas loin des côtes. Le vent s'est levé, le ciel est gris et pluvieux et il fait froid soudainement. Je suis mieux dans la salle TV ou dans les bars, à discuter avec les personnes que j'ai rencontré ici. Il y a un bon groupe de jeunes français très sympas avec qui j'ai bien rigolé. Je serais bien restée ici plus longtemps, pour passer plus de temps avec eux, mais le voyage se poursuit ailleurs …

Je dis « A bientôt » à la Nouvelle Calédonie, car j'ai bien l'intention d'y revenir en espérant y revoir les personnes que j'y ai rencontré.

L'avion décolle vers mon pays de cœur. Le pays où tout a commencé il y a 8 ans ...
Australia, I'm back

1 commentaire:

  1. Magnifiques photos. J'avoue que ça m'a fait rêver. Je t'ai sentie un peu " triste" de découvrir notre lourd passé de pays colonial. Mais ton approche des " vrais " habitants rattrape sûrement notre image auprès de tous ceux qui t'ont apprécié.
    Bonne continuation.
    PS: j'espère que tu as noté la recette du gratin de bananes..........;-)

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