Je passe la soirée avec Loulou et
Hélène. 3 jeunes touristes français sont arrivés aujourd'hui. Ils
ont commandé des assiettes de poissons et de langoustes. Loulou est
allé pécher dans la journée et Hélène a cuisiné le poisson, un
gratin de banane, une salade de papaye, et des légumes locaux.
Les assiettes sont superbes et
pourraient facilement être sur la carte d'un grand restaurant. Elle
va leur servir sur des tables un peu plus loin.
IL y a du rab et Hélène me propose de
m'offrir gratuitement une assiette et de rester manger avec eux deux.
Je me sens privilégiée, et je suis vraiment flattée par leur
invitation. De plus, je me régale, c'est un délice. Il n'y a pas
de doute, les kanaks savent cuisiner !
Encore une soirée très sympa. Je
retourne à ma tente, tous les crabes se faufilent dans leur trou à
mon approche. Je prends soin de bien ranger mon sac et de ne pas
laisser trainer d nourriture, car la nuit dernière, je me suis fait
embetée par des souris affamés. Elles ont essayé de rentrer dans
ma tente, en grignotant la toile.
Le lendemain matin, je me lève en même
temps que le soleil et vais louer un vélo dans l’hôtel voisin,
pour faire le tour de l'île. D’après l'échelle de la carte, ça
me paraît facile.
Je commence à pédaler en direction du
nord et m'arrête aux ruines d'un ancien bagne. L'occasion d'en
apprendre davantage sur l'histoire de l'île des Pins.
L'île des
Pins fut d'abord habitée par « les Lapita » vers 2000 av
JC. (un peuple passionnant et très avancé dans beaucoup de
domaines. Rien que le nom de « lapita », fait penser à
un beau film fantastique). Ensuite, arrivèrent les Mélanésiens,
puis James Cook, qui est le premier européen à découvrir l'île en
1774.
En 1800, des
santaliers débarquent sur l'île, puis des missionnaires
protestants, puis des missionnaires catholiques. Ces derniers
remportent un certain succès.
C'est en 1872
que la France transforme l'endroit en colonie pénitentiaire. 3000
communards de Paris (http://fr.wikipedia.org/wiki/Communard)
et des centaines d'Arabes, qui sont en fait des berbères algériens
condamnés après la révolte kabyle de mars 1871, sont envoyés sur
l'île. La population locale est déplacée à l'Est pour laisser
place à ces forçats. J'ai comme l'impression que c'est la même
histoire dans toutes les colonies; des peuples originaires
mystérieux, puis des missionnaires de l'Occident, puis des forçats.
Aux forçats,
s'ajoutent 750 kanaks en provenance de la grande terre (la principale
île de la Nouvelle Calédonie) après la révolte kanak de 1878.
La révolte
kanak est une autre page importante de l'histoire. En effet, entre
1860 et 1870, un programme est financé grâce à la découverte de
nickel, et des colons français arrivent en masse en Nouvelle
Calédonie. Bien sur, ces derniers empiètent sur les terres tribales
sans autorisation, et les tensions éclatent entre colons et kanaks.
Comme les colons font ce qu'ils veulent, le gouverneur Guillain
donne le droit de vendre les terres mélanésiennes aux français.
Les champs de taro et d'igname, ainsi que les canaux d'irrigation des
kanaks sont détruits et remplacés par des mines et de parcelles
destinés à l’élevage et à la construction de prisons. Les
kanaks se révoltent et sont écrasés par les militaires français.
1200 kanaks trouvent la mort et 800 autres sont exilés sur l'île
des Pins, Belep et Tahiti. 200 français trouvent également la mort.
Aujourd’hui encore, la France exploitent le nickel en Nouvelle
Calédonie et finance la recherche de nouveaux sites d'exploitation.
Alors que les kanaks semblent réclamer des financement pour un
tourisme durable et l'aide à l'emploi, La France semble toujours
être uniquement préoccupée par les ressources de nickel.
Mais revenons en à mon tour de l'île
à pédale ! J'ai garé mon vélo contre les ruines du bagne et
me balade dans les grandes herbes qui les entourent. Le site n'est
pas entretenu et la végétation semble vouloir cacher ces tristes
vestiges. Je
suis toute seule et ne me sens pas complètement à l'aise. Je pense
à la tristesse, la haine et les regrets, prisonniers de ces murs
pendant des années. Il semblerait que la pierre ait gardé tout cela
en mémoire.
Je
ne reste pas longtemps et reprends mon vélo jusqu’aux ruines d'un
ancien couvent, vestige des missionnaires catholiques, puis jusqu'au
cimetière des déportés. Sur les 3000 communards déportés après
la révolte parisienne de 1871, 240 périrent sur place et la plupart
sont enterrés ici. Il n'y a pas de pierres tombales car les
prisonniers étaient hostiles à tout symboles religieux. Dans de
tels circonstances, il doit être difficile d'avoir la foi en quoi
que ce soit. Alors que ces gens se trouvaient sur une île
magnifique, ils n'ont vu que des murs, quel dommage.
Les
forçats qui se trouvaient ici, n'étaient pas des tueurs, mais des
opposants au régime, ou des simples personnes qui luttaient pour des
causes, qui leur semblaient justes. Ils furent condamnés à l'exil
par le pays des droits de l'homme. Les paradoxes de l'histoire !
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Après cette plongée dans l'histoire,
je pédale vers le nord de l'île, en quête de nature. Je m'arrête
d'abord à la Grotte de la Troisième, perdue au milieu d'une belle
forêt, qui prend l'allure d'une petite jungle. Ma frontale n'est pas
assez puissante pour que je puisse pénétrer à l'intérieur, mais
l'entrée est très jolie. On dirait une grotte encore inexplorée.
L'intérieur est remplie d'eau douce et fait office de site de
plongée. Mais la plupart du temps il n'y a personne, et les oiseaux
et les lézards s'en portent pas plus mal.
Je rejoins à nouveau la route, et
pédale jusqu'à la pointe nord, qui donne sur la baie de Gadji et la
Baie des Crabes. Il y a seulement un tout petit hameau très
tranquille, un ranch et quelques pêcheurs à cet endroit. On ne peut
pas se baigner car il n'y a pas de profondeur. Le sol est une sorte
de boue argileuse, découverte à marrée basse, où nichent une
quantité incroyable de crabes. A marée haute, la plage reprend sa
couleur turquoise et ses airs de site paradisiaque, parsemée de
massifs rocailleux, anciens récifs coralliens.
Il fait très chaud ici et l'ombre se
fait rare. Je partage mon pique nique avec 2 mouettes et longent la
plage avec mon appareil photo. Alors que je suis arrêtée, occupée
à mitrailler les racines des arbres, je sens que ça grouille autour
de moi. Je baisse les yeux et réalise qu'une multitude de crabe à
grosse pince sont sortis de leur trou ! Mon immobilité leur a
fait penser que c'était sans danger. Toujours sans bouger, je les
observe à leurs occupations quotidiennes ; Combats de pince
pour une femelle, construction d'un trou, surveillance des petits par
leurs parents … Ils sont rigolos. Je fais à peine un pas, que tout
ce beau monde disparaît instantanément sous le sol.
Je reprends le vélo. Heureusement
qu'une légère brise me rafraîchit, car il n'y a pas d'ombre sur la
route. Je transpire à grosses gouttes et je prends conscience de
chaque muscle de mes cuisses. Il n' y a rien de très difficile, mais
je n'ai pas fait d'exercice depuis longtemps.
Je m'arrête à la Grotte de la Reine
Hortense, quasiment au milieu de l'île. A l'entrée du chemin, une
kanak m’accueille et semble surprise de me voir arriver à vélo.
Elle est bavarde et rigole tout le temps.
Il faut marcher environ 200 mètres
pour atteindre la grotte, en traversant une superbe forêt
luxuriante, composée de bananiers, papayers, d'énormes fougères
arborescentes et d' autres arbres tropicaux. L'entrée de la grotte
est majestueuse. Il y a une petite ouverture dans le plafond, par
lequel les racines d'un banian descendent jusque dans la grotte.
Je me pose plutôt à l'extérieur,
avec la forêt dans mon dos et la grande entrée de la grotte en face
de moi. Un groupe arrive, ce sont les croisiéristes. Subitement
l'endroit perd toute sa magie et au lieu d'admirer le paysage qui
m'entoure, j'observe ces gens qui me paraissent venir d'un autre
monde. Le spectacle est plutôt rigolo. Tous s'excusent de venir
troubler mon moment de solitude. C'est gentil de leur part. Le
chauffeur du bus est un kanak. Il vient à côté de moi et entame
une conversation. Il me dit qu'il est fatigué car il ne parle pas
anglais et que c'est difficile pour lui de converser avec les
croisiéristes. Il me demande si c'est bien moi qui suis venue à
vélo et me félicite pour cette prouesse. Je ne vois pas où est
l'exploit, mais ça me fait rigoler. Je comprends que les kanaks de
l'île ne sont pas des grands sportifs.
Le groupe n'a que 10 minutes pour
profiter de la grotte. Tous me saluent de loin et s'en vont. La
grotte retrouve sa magie.
Je retourne à mon vélo et la forêt
me paraît encore plus belle sur le chemin du retour. Je passe
beaucoup de temps à prendre des photos. Un peu plus haut sur la colline, j'ai une belle vue plongeante sur l'immensité de cette belle végétation.

Je rediscute vite fait avec la dame de l'entrée et repars. Je redescends vers le Sud Est, jusqu'à Vao. C'est la principale agglomération de l'île. On y trouve de beaux monuments coloniaux et des maisons typiques.





Vao est aussi connue pour ses
sculpteurs de totems traditionnels. A la baie de saint Maurice, les
totems se marient aux monuments chrétiens, sur fond de mer bleue
turquoise. Le site commémore l'arrivée des premiers missionnaires.
L'endroit est très photogénique.
Il y a beaucoup de kanaks à cet
endroit et des jeunes adolescentes viennent me poser des questions
sur ce que je fais dans la vie. Jusqu'à maintenant, j'ai été
beaucoup accosté par des adultes, mais c'est la première fois que
je discute avec des jeunes. Elles parlent comme des jeunes de
banlieues, en mode racaille, mais elles restent très sympathiques,
souriantes et agréables. Les mamas kanaks sont assises à l'ombre
des totems, alors que les enfants s'amusent dans l'eau. Je suis la
seule blanche à cet endroit et ai peur de déranger, mais en fait
pas du tout. Les gens me sourient et me saluent.
J'ai bien mal aux cuisses, j'ai eu bien
chaud et maintenant, je ne pense qu'à la bonne douche froide qui
m'attend. Je rentre à Kuto, rend le vélo, et retourne à mon
camping. Sur le chemin du retour, je prends le temps d'aprécier les arbres et les fleurs qui bordent la route. Il me reste un peu de batterie dans mon appareil photo, alors ...
Les courbatures arrivent de suite après la douche, et
sont assez violentes. Je n'arrive pas à dormir tellement qu'elles me
font mal. Je n'ai pas bu beaucoup d'eau pendant la journée, malgré
la transpiration et l'effort, et maintenant mon corps me le fait
payer cher. Je m'en rappellLe lendemain, je prends mon petit
déjeuner et Loulou me ramène à l'aéroport. Je le remercie pour sa
grande gentillesse et lui promets de lui faire une bonne publicité.
L'avion décolle et me voilà de retour
sur la Grande Terre. Mes courbatures me font encore mal et je passe
l’après-midi à dormir et à discuter avec les gens de l'auberge
de jeunesse de Nouméa. C'est qu'à force d'y revenir, je commence à
y connaître du monde, et je suis toujours bien accueillie. Je ne
fais rien de mes 2 derniers jours en Nouvelle Calédonie car il fait
un temps pourri. Il y a un avis de tempête. Un cyclone n'est pas
loin des côtes. Le vent s'est levé, le ciel est gris et pluvieux et
il fait froid soudainement. Je suis mieux dans la salle TV ou dans
les bars, à discuter avec les personnes que j'ai rencontré ici. Il
y a un bon groupe de jeunes français très sympas avec qui j'ai bien
rigolé. Je serais bien restée ici plus longtemps, pour passer plus
de temps avec eux, mais le voyage se poursuit ailleurs …
Je dis « A bientôt » à la
Nouvelle Calédonie, car j'ai bien l'intention d'y revenir en
espérant y revoir les personnes que j'y ai rencontré.
L'avion décolle vers
mon pays de cœur. Le pays où tout a commencé il y a 8 ans ...
Australia,
I'm back
Magnifiques photos. J'avoue que ça m'a fait rêver. Je t'ai sentie un peu " triste" de découvrir notre lourd passé de pays colonial. Mais ton approche des " vrais " habitants rattrape sûrement notre image auprès de tous ceux qui t'ont apprécié.
RépondreSupprimerBonne continuation.
PS: j'espère que tu as noté la recette du gratin de bananes..........;-)